II Le rêve, voie royale du spirituel
On ne rêve jamais de Dieu. C’est la petite Thérèse de Lisieux qui nous l’a dit. On ne meurt pas non plus réellement en rêve. On peut compter trente, cinquante, cent secondes d’immersion dans l’eau et penser l’étouffement puis, tout d’un coup, la respiration repart même sous l’eau et sans inondation des bronches. « Nihil in intellectu nisi prior in sensu », disait le philosophe (Démocrite). Rien n’advient à l’esprit, si ce n’est d’abord dans le ressenti.
Et pourtant, le rêve est la voie royale du spirituel. Le rêve est l’une des sécrétions majeures du cerveau droit auquel on attribue principalement cette fonction “spirituelle”, laissant au cerveau gauche la fonction “intellectuelle” (Cette théorie classique est nuancée actuellement). Le rêve est au départ de la carrière moderne de « l’inconscient » freudien, qui est aussi la laïcisation la plus réussie du dit “spirituel”. Et le “grand Autre” (ou A tout simplement, grand a), avec lequel Lacan fait ”retour à Freud”, il peut être entendu comme Dieu par qui veut. Quant à Jung qui fait “maître spirituel” pour notre génération du nouvel âge, il puisait dans le rêve l’inspiration qu’il trouvait par ailleurs dans la tradition ésotérique.
Pour ma part, je voudrais apporter trois catégories de rêves dont la longue occurrence de plus de trente ans me permet d’en proposer une généralisation assez sûre comme rêves à contenu spirituel (ou mystico-spirituel). J’en propose d’abord une narration toute phénoménologique, au-delà de l’exhibition à laquelle toute étude des rêves expose. Par la suite, je m’en servirai pour illustrer la nouvelle dimension du rêve à laquelle la science somatologique nous convie, avec sa fonction de “lissage de la ligne de vie”.
Des rêves à contenu « spirituel »
Par deux fois déjà, dans les deux textes où j’aborde la dimension spirituelle (Meyer 1995, 1997) je me suis obligé à définir ce concept. En voici le tableau résumé.
Tableau 17 : le spirituel et ses six composantes.
Nous voyons sur ce tableau qu’il existe six aspects fondamentaux du “spirituel” pris dans son sens large, avec ses trois lieux d’impact privilégiés et ses deux modes de vécu, fonctionnel et structurant. Même si l’on ne se réfère qu’au sens étroit du « spirituel » à savoir à son pur vécu psychique, on ne peut pas pour autant l’abstraire des cinq autres constituants tous solidaires, Seul l’intellect peut faire semblant de l’en isoler. Pour le rêve, on pourrait aussi isoler la pure image, mais le philosophe nous rattrape aussitôt avec sa constatation : « Nihil in intellectu nisi prior in sensu ». Le rêve le confirme, il est autant visuel qu’émotionnel et sensuel. Voyons donc trois séries de rêves qui se situent respectivement sur un des lieux d’impact privilégiés :
- le rêve de la communauté et le “religieux”,
- le rêve des trésors et le ” mystique “,
- le rêve de vol et le “spirituel”.
Le rêve de communauté et le religieux
Le fait religieux a été très prégnant dans ma vie. A cinq ans, je devins servant de messe dans notre paroisse (catholique) qui avait la particularité d’être dirigée par une communauté de religieux (Redemptoristes). A quatorze ans, j’entrai dans le petit séminaire ; à dix-neuf, au noviciat où je pris la soutane et émis les vœux temporaires d’obéissance, pauvreté et chasteté. A vingt-deux ans, lors du service militaire, j’écrivais à mon supérieur que j’avais des doutes quant à mon retour au couvent. Il me répondit aussi sec qu’il valait mieux ne pas y revenir. J’étais renvoyé !
Il s’en est suivi une longue série de rêves sur près de vingt-cinq ans ayant l’appartenance à cette communauté Rédemptoriste comme thème. Ces rêves se subdivisent en cinq ensembles très homogènes de par la chronologie.
- Les premiers rêves se sont répétés pendant trois à quatre ans autour du renvoi par la communauté. Au début du rêve, je me trouve au milieu de mes confrères et je porte la soutane, je fais partie de la communauté. Puis, tout d’un coup, on me renvoie et je revois encore ces départs très poignants où je m’éloigne à pieds, toujours en soutane, la mort dans l’âme.
- La deuxième période dure elle aussi trois à quatre ans et se caractérise par l’absence de rêve ayant trait à la communauté. J’en fais évidemment une séquence importante à cause de l’absolu de l’absence.
- Une troisième période a débuté après neuf à dix ans avec des rêves encore une fois homogènes et répétitifs. Je me retrouve au couvent et en soutane, au contact de mes compagnons d’autrefois, sans animosité ni émotionalité, mais avec une grande paix de l’âme. Puis, tout d’un coup, le commutateur switche I’image : je me retrouve dans ma vie actuelle, réelle, et m’y trouve tout aussi bien, sans regret par rapport à la communauté. Je suis psychiatre, paisible, content de ce rôle.
- Enfin une quatrième période s’est étendue entre les huit et quatre dernières années. Je cumule les deux fonctions. Je suis religieux et psychiatre. Je suis en soutane et j’ai un groupe de socio- somatanalyse. Je suis un religieux psychothérapeute et cela crée un vécu de plénitude calme et profond. Il n’y a pas d’image particulière, d’anecdote ou de scénario ; c’est seulement une pensée et un ressenti ; je suis religieux et thérapeute de groupe.
- Depuis quelques années le rêve d’appartenance à la communauté religieuse est de nouveau absent. Je ne saurai ce que cela signifie que dans quelque temps, soit qu’une nouvelle série en donne rétrospectivement le sens, soit que l’arrêt définitif clôture le thème sous cette forme là.
Dans la deuxième partie de cette étude, je reviendrai sur l’enseignement des séquences chronologiques de ces rêves. Dans l’immédiat, il faut en préciser la teneur “spirituelle”. Je ferai ici une lecture relativement directe de ces rêves, en accord avec Hobson et Jung que nous verrons plus loin et en rupture avec Freud qui a introduit un mode d’analyse trop compliqué à mon sens. Ce qui se visualise principalement, c’est le communautaire, le groupe des frères, et donc le religieux. Religare veut dire lier, réunir. Il y a la soutane qui montre l’appartenance à cette communauté religieuse. Mais l’évolution du rêve nous donne aussi la part sensitive, ressentie, du fait : il y a d’abord une grande paix (troisième période) puis une plénitude profonde (quatrième période), C’est effectivement ainsi que j’avais vécu ma “foi” : dans la paix et l’entièreté. Mais il n’y avait ni jouissance mystique ni illumination spirituelle. C’est probablement pour cela que j’avais douté pouvoir retourner au couvent. Au contraire, c’est pendant le service militaire que j’avais continué mes études en sciences humaines et découvert le “monde”, ses jouissances, ses illuminations et turpitudes !
Le rêve des trésors et le “mystique”
Ces rêves remontent à une vingtaine d’années. Ils étaient merveilleux mais aussi souvent frustrants. Là aussi j’ai trouvé le commutateur qui a permis de switcher l’image. Ils sont classiques, ces rêves de découverte de trésors.
- Le plus simple d’entre eux commence par une déambulation sur un trottoir ou dans la campagne, souvent dans l’obscurité. Tout d’un coup, je vois une pièce d’argent dans le caniveau, dans la boue ou sous la paille. Je m’approche, c’est une pièce de faible valeur, je la prends et, en me penchant, je vois une deuxième pièce, puis une troisième et parfois tout un trésor. Les pièces prennent de plus en plus de valeur jusqu’à être en or. Je m’en remplis les mains puis les poches. Parfois d’autres promeneurs surviennent et je me dépêche d’en prendre le maximum. Cet argent est orphelin et n’appartient à Je suis évidemment pris d’une grande avidité et rempli d’une grande jouissance. Mais, finalement, ce trésor m’échappe quand même d’une façon ou d’une autre : il disparaît, se volatilise ou est néanmoins interdit.
- Une variante tout aussi fréquente transforme l’argent en objets précieux, en antiquités et, plus particulièrement, en pierres sculptées. Il s’agit alors de vestiges d’édifices religieux finement ciselés, avec des inscriptions hautement symboliques, sans être trop grands. Je les trouve dans des greniers, dans des locaux obscurs, cachés sous un fatras de vieilleries. Là aussi, je peux les prendre mais, le plus souvent, ils disparaissent tout autant.
- Le dernier en date de ces rêves remonte à six mois et marque un changement radical : je peux le garder, cet objet, il est à moi sans aucune contestation. Il s’agit aussi du plus bel et du plus précieux de ces objets, un diamant taillé dune grosseur inexistante dans la réalité, aussi gros qu’un œuf, comme des imitations en cristal de Bohême. II brillait de mille feux avec des éclats En le prenant, je voyais d’autres diamants à côté, mais plus petits, et j’ai pu les garder, tous. Je les enveloppais dans du papier kraft et scellais le paquet avec de larges rubans adhésif brun. Et ce paquet est toujours encore en ma possession. Et je peux toujours encore revoir ce diamant !
Pour Freud, il s’agirait des classiques rêves de la phase anale : argent, avidité, possessivité et obsession ! Les circonstances du dernier rêve m’enjoignent d’y voir autre chose. En effet, il eut lieu un matin après m’être recouché. Je m’étais levé vers quatre heures, avais pris mon petit-déjeuner, lu le journal (qui arrive à cinq heures), écrit, puis vers huit heures, m’étais mis en Présence Juste et avais éveillé la Kundalini assez fortement. Mais la fatigue s’éveilla tout autant et je m’étais recouché pour une petite heure, m’endormais et faisais ce rêve.
Ces rêves de découverte de trésors sont donc la mise en image de l’éveil des chakras et de la Kundalini. Rappelons-nous ce qu’entendent les Orientaux par ce terme : il s’agit d’une énergie tapie silencieusement à l’arrière du périnée telle un serpent et qui peut s’éveiller et s’élever, comme le serpent, le long de la colonne vertébrale, un peu en avant d’elle, dans un canal relativement étroit, qui va jusqu’au-delà du sommet du crâne. L’éveil de cette énergie est généralement délicieux, d’une jouissance sensuelle proche de l’érotique mais sans être pulsionnelle. Il n’est pas nécessaire de l’évacuer comme l’excitation sexuelle. Elle peut se maintenir et devenir permanente lorsque l’agitation motrice ou les préoccupations mentales ne la recouvrent pas. Mes premiers rêves de découverte de trésors correspondaient donc à des éveils ponctuels de cette énergie mystique, trop ponctuels dans le temps ou trop limités dans leur ascension puisque le trésor s’évanouissait. Seul le dernier rêve annonce une ouverture complète, jusqu’en haut, jusqu’aux yeux qui entrent littéralement dans une vision, tellement l’éclat de ces diamants était extraordinaire.
Il ne s’agit pas là d’une élucubration ésotérique parce qu’une obsevation très précise en état d’éveil accompagne ces rêves en sommeil. En effet, mes premiers éveils de Kundalini remontent très précisément à une vingtaine d’années et se produisaient spontanément sans que je sache ce dont il s’agissait. C’était lors de mes premières années de pratique psychothérapique, plus particulièrement lors de séances de psychanalyse où la position “‘cachée” derrière le divan libérait suffisamment du regard du patient pour libérer tout autant le serpent. Ces éveils duraient une petite heure et ont disparu après douze mois environ. Une quinzaine d’années plus tard, la même énergie a réapparu connectée aux séances d’une personne très précise. Je pratiquais déjà la Présence Juste mais de façon espacée. Ce n’est que depuis une année que l’éveil se fait quotidiennement, régulièrement induit par la Présence Juste que je pratique assidûment au cours de la journée. Il advient aussi lors de certaines séances de psycho- somatanalyse, plusieurs fois par jour, et il s’agit maintenant d’un précieux analyseur de l’état affectif de la relation thérapeutique. Quant à la véritable “vision” qu’a constitué le rêve du diamant, elle s’est répétée trois autres fois mais avec les visages radieux d’êtres proches et aimés. Le rêve manifeste donc le ”mystique” tout autant que le “religieux”. C’est ainsi que l’on peut appréhender l’éveil de la kundalini qui est la part de jouissance corporelle du phénomène spirituel. (Ajout en octobre 2018 : il s’agit évidemment d’un rêve EMIque comme nous le verrons plus loin)
Je sais bien que je risque de choquer bien du monde, les rationalistes d’un côté à trop m’aventurer dans le soi-disant ésotérique, et les êtres éveillés de l’autre qui ont des expériences beaucoup plus développées et qui les analysent différemment. Je me contente d’apporter ici ma petite quote-part à cette question si difficile et, en même temps, si importante, y compris en psychothérapie. Alors que pendant vingt ans aucune de mes psychothérapies n’avait abordé l’aspect mystique, il apparaît maintenant que plusieurs analysants ont eu des expériences de ce type, en ont encore et qu’elles leur posent souvent problème. Elles constituent aussi un autre “creuset'” pour la thérapie, tout comme le transfert. Le spirituel est encore plus difficile à révéler au psychothérapeute que le sexuel. Il est plus intime encore, plus subtil et moins bien socialisé.
Le rêve de vol et le « spirituel »
Cela fait des années que je me demande à quoi peut bien correspondre le rêve de voler dans les airs tellement fréquent et tellement délicieux. Même Hobson attache peu d’importance à ce rêve tout en le citant trois fois dans son ouvrage. Pour Freud, c’est simplement le rappel des sensations de l’enfant sur les manèges et autres montagnes russes.
Il est pourtant fréquent. La plupart des gens le font l’une ou l’autre fois ou alors le transforment en une promenade cosmique, en une déambulation sur les nuages, ou en la course allègre d’un fauve qui avance à toute vitesse et par grands bonds, dans la savane. L’un de mes patient de 40 ans s’est lamenté dernièrement que ce type de rêve se soit arrêté à ses 25 ans. Moi-même, j’ai beaucoup rêvé de voler, ces rêves se regroupant par périodes fécondes espacées par des intervalles sans vol. Cela a dû commencer à mon adolescence. Au début, c’était inopiné et toujours merveilleux.
J’étais étonné pendant le rêve lui-même mais ça volait néanmoins. Je n’ai jamais fait d’atterrissage catastrophique. Je virevoltais au-dessus d’autres personnes, une cour de récréation par exemple, je jouissais seul de ce statut particulier. Plus tard, je prenais conscience de la fragilité de l’état d’apesanteur, je voyais l’étonnement des autres mais j’arrivais à maintenir le vol consciemment grâce à un certain effort que je rangerais dans la « commande complexe », en opposition à la « commande simple »
Tableau 18 : les commandes simplexes et complexes (et les futurs « modes mono et auto »)
Enfin, depuis quelque temps, j’arrive à provoquer l’envol consciemment et volontairement. Je suis debout, je serre fortement les deux poings et sens une force me traverser de haut en bas jusqu’au décollage. La félicité du périple est toujours aussi grande et pleine, la sensation est d’une homogénéité et d’une permanence constantes.
Je propose de voir dans ces vols nocturnes la mise en image des dites « sorties du corps » relativement banales dès qu’on commence à s’y intéresser. Le soupçon de cette interprétation m’habite depuis longtemps bien que je n’aie pas, quant à moi, l’expérience précise de ces « sorties du corps » traumatiques. Mais confirmation m’en a été donnée par Véronique Fischer, experte en la matière. Des analysants m’ont également mis sur la piste. Une jeune femme, clairvoyante par ailleurs, sent que le sommet de son corps lui échappe vers le haut lorsqu’elle est couchée sur le ventre. Une autre a inauguré ces excursions lors d’une anesthésie générale et les renouvelle maintenant à sa guise ; mais elle commence à en prendre peur et s’en empêche. (octobre 2018 : plus précisément les OBE, out of body experience ou sortie du corps, se font ont état de clivage ou, du moins, de stress intense ; quant aux vols, ils se réalisent en état unifié tout comme le font les lévitations).
La peur intervient parfois tout comme la disparition des trésors ramène l’ordre là-bas. Personnellement je me retrouve dans des ascenseurs qui montent à des vitesses vertigineuses, commencent à tanguer et à sortir de leur rails. J’escalade des sommets qui se mettent à vibrer, bouger, s’ébranler et trembler. Je me promène sur des échafaudages qui se dressent tout d’un coup face au vide… Il ne s’agit pas encore d’état clivé, mais ce n’est pas loin !
Le rêve et la nature de l’esprit
Le rêve a toujours été utilisé par toutes les civilisations comme accès à la dimension spirituelle. Toutes les traditions rapportent des rêves dans leurs enseignements et proposent des modes d’interprétation dans leurs rituels. Dans la civilisation Dogon, le rêve appartient à Ogo, le demi-dieu individualiste. C’est que le rêve a la particularité d’être personnel, singulier, unique, donc potentiellement subversif pour le groupe social. Freud l’a bien annexé comme tel, comme outil de l’un et de l’unique. Mais il faut bien voir que le rêve lui-même nous renvoie toujours au social comme nous le rappellent les rêves décrits ci-dessus : le rêve de communauté pour « imager » un vécu personnel, de foi paisible ; le rêve des trésors fait arriver d’autres prospecteurs rivaux ; le rêve du vol doit une partie des jubilations à la parade au-dessus des autres. Il n’y a donc pas à s’étonner que les civilisations aient socialisé et ritualisé l’utilisation du rêve pour que l’individu reste dans le groupe. Même les interprétations psychothérapiques des rêves se font selon des normes « d’école ».
Il y a donc un effort incessant à faire pour respecter la singularité de chaque rêve et l’unicité de chaque rêveur, avant d’interpréter une quelconque généralité, fût-elle spirituelle. C’est ainsi que le thérapeute se situe du côté d’Ogo, du demi-dieu révolté, roi de la nuit et de la divination, garant de l’unique et de l’individu. Ainsi accompagne-t-il jusqu’aux bases mêmes, jusqu’aux processus fondateurs du fait spirituel, en-deçà de ses symboles socialement codifiés. Ces processus fondateurs sont des moments comme celui de voler, des positions comme celle d’être parmi les autres ensoutanés, des jubilations comme celle de trouver des trésors, des visions comme celle du diamant. Nous sommes encore en-deçà des termes généraux mis par l’ésotérisme sur ces bases corporelles : sortie du corps, foi, kundalini et autres apparitions. Le somato-psychothérapeute se trouve là à une place privilégiée d’accueil des processus inconscients qui n’est pas encore une codification mais seulement un mouvement du corps et de… l’âme.
Le rêve est l’une des voie, impériale, du spirituel
Nous verrons plus loin quelle est la place du sommeil paradoxal au cœur duquel le rêve advient préférentiellement. En attendant, nous pouvons nous arrêter au fait, massif, que le rêve est surtout et d’abord image, scénario et visualisation. Dans le rêve, toutes les fonctions en activité doivent se traduire en images ; nous devons transformer les pensées, les ressentis, les actions et décisions en image.
Aussi l’art d’interpréter commence-t-il par les règles de grammaire du tout image, qu’elles soient condensation et déplacement, métaphore et métonymie, discours manifeste et latent ou lecture plus ou moins directe.
Or l’image oblige la conscience à être globale alors que la réflexion est focale. L’image est associée à l’unification de l’être alors que la réflexion clive l’être. L’image obéit à une commande complexe alors que la maîtrise est simplexe. L’image détend, relâche et libère l’énergie subtile qui fait délice, telle la kundalini et le vol.
Tout cela constitue une part importante du spirituel, même si ce n’est pas tout le spirituel évidemment, pas toute la construction que les traditions ont élaborée pour éviter la pénibilité que le rêve recèle aussi en lui. En effet, on peut envisager la méditation comme un état d’être assez proche de l’état du rêve, fait de connexions et déconnexions cérébrales précises et stables qui filtrent les seuls rêves agréables et excluent les aspects désagréables. Toujours est-il que le rêve est déjà une méditation – certes imparfaite – et qu’il exprime tel un héraut ce que notre cerveau droit sécrète. Le rêve est la voie de l’esprit.